mardi 12 août 2014

Interview au journal Le Temps: Ma part de vérité


Le Temps: Ainsi donc, vous ne pourriez plus vous exprimer au nom de l’UPG, à la suite d’une décision du tribunal de première instance de Libreville ?

La liberté guidant le peuple
C’est l’objectif recherché mais que l’on obtiendra difficilement. J’aime toujours à rappeler que la légitimité du peuple reste le fondement du pouvoir. De tout pouvoir.

Au-delà de l’image que l’on veut présenter de ma personne devant l’opinion, je n’ai jamais fait de l’affichage mon crédo, étant un homme discret par nature.

J’ai toujours été un homme d’appareil, au point que d’aucun ont l’impression que je tombe dans ce marigot comme un cheveu dans une soupe.

La réalité est que depuis 25 ans, c’est-à-dire exactement l’âge de l’UPG, je suis derrière toutes les procédures stratégiques du Parti. Je dis bien toutes les procédures stratégiques. C’est pourquoi le peuple de l’UPG s’est systématiquement tourné vers ma personne pour succéder à Pierre Mamboundou, notre Maître, ce héros national.

Le véritable problème de cette décision, totalement surréaliste, c’est qu’elle est un défi lancé aux populations qui m’ont porté à la tête du parti, qu’il faudra affronter.

La liberté d’opinion étant un droit naturel, il faudra mettre un policier, un gendarme, un huissier de justice derrière chaque militant. C’est à la fois ridicule et impossible.

Lorsque les procédures officielles s’inscrivent contre la réalité sociale, il y a une rupture du corps social.

C’est le plus grand message qu’il est désormais urgent d’entendre pour sauver le Gabon.

Le Temps: Le tribunal a-t-il pris cette décision en toute impartialité, c’est-à-dire sans arrière plan politique ?

Ce n’est pas le tribunal qui a tranché, c’est un juge qui s’est arrogé les prérogatives d’un tribunal, en l’occurrence le juge des référés.

A elle seule, cette précipitation montre bien que le droit n’était que le prétexte pour donner des allures de légalité à un règlement de compte politique.

A deux ans de l’élection présidentielle, le contrôle de l’électorat du sud du Gabon devient un enjeu majeur, vu que celui du nord est totalement en ordre de bataille pour réaliser l’alternance. Sans faire injure aux autres formations politiques, l’UPG reste le cadre naturel qui fédère le plus largement les peuples du sud. L’arrivée de Moukagni-Iwangou, le véritable héritier politique de Pierre Mamboundou à la tête de l’UPG sonne la renaissance de ce parti, et surtout, le retour aux fondamentaux de la lutte pure et dure.

Après les tribulations à la FEGAFOOT et la tentative d’assassinat par empoisonnement, qui ont suffisamment alerté l’opinion, le recours à la voie judiciaire offre l’avantage de régler proprement mon sort à bon compte.

Au plan personnel, le conseil de discipline m’a déchu de la qualité de juge et m’a privé de toute ressource, avec pour seule perspective, l’entrée certaine dans le rebus de la précarité. Voilà comment le système de l’émergence lutte contre la pauvreté.

Au plan politique, on me retire toute tribune. Mais comme le sphinx, je vais renaitre de mes cendres, parce que la justice qui est d’abord une valeur immanente rétablit toujours les justes.

Puisque tout le monde a compris que Mathieu Mboumba Nziengui n’est qu’un simple épouvantail qui cache mal la main qui l’agite, tous les excès utilisés contre moi par le pouvoir en place est la plus belle publicité qu’il m’assure auprès des populations, et surtout, le meilleur levain pour faire monter et radicaliser le peuple.

Le Temps: Dans une interview accordée à notre consœur l’Union, le Premier Ministre, Daniel Ona Ondo, parle pourtant » d’Etat de droit » et de « renforcement de l’indépendance de la justice », qu’en pensez-vous en tant qu’homme de droit et en même temps homme politique devenu ?

L’Etat de droit ne se déclame pas comme d’un poème, il s’éprouve dans la pratique quotidienne.

Lorsque l’accès dans les média de service public n’est pas équitablement garanti à tous les partis politiques, il n’y a pas d’Etat de droit.

Quand le Parti Démocratique Gabonais passe en boucle et bénéficie de la couverture en direct sur la première chaine nationale de télévision, pour chacun de ses évènements, et que ce privilège ne bénéficie à aucun Parti politique de l’opposition, ce sont les faits qui démentent Monsieur le Premier Ministre.

Pour ce qui est de l’indépendance de la justice, la réponse à apporter à monsieur le Premier ministre est d’ordre systémique. Cette réponse a opposé les pères fondateurs, partagés en sur la configuration à donner à nos institutions, entre le régime présidentiel défendu par Léon Mba et le régime parlementaire préféré par Ngondjout.

En héritant à bon du système présidentiel inspiré de la cinquième république française, le Gabon a pris l’option d’un système institutionnel déséquilibré, qui confère un ascendant réel de l’exécutif sur les deux autres pouvoirs.

Ne pouvant continuer à perpétuer une pratique relevant du pouvoir monarchique, décapité depuis 1789,  la France elle-même vient de rompre avec ce système qui fait de la main du roi la main de justice qui contrôle tous les magistrats, et qui décide véritablement du sort de tout procès. C’est le système encore en vigueur au Gabon.

En disposant du pouvoir de nomination et de promotion des juges, le chef de l’Exécutif contrôle totalement le Pouvoir judiciaire tout entier, autrement dit, de la Cour Constitutionnel au tribunal de première instance. Par le fait de ce mécanisme, il tombe sous le sens que c’est au péril de sa carrière qu’un magistrat statue en toute indépendance dans tout procès impliquant les intérêts du pouvoir en place au Gabon.

Ayant bien compris la manœuvre, certains magistrats s’érigent simplement en fou du Roi, et en retour, ils récoltent la juste récompense de leur zèle.

C’est malheureusement sur ce terrain que s’explique la décision du juge des référés.

Ayant pour toute mission que de prescrire dans l’urgence des mesures conservatoires qui ne touchent pas le fond d’un litige, parce que cette prérogative relève de la compétence du tribunal statuant en formation collégiale, monsieur Fulgence Ongama s’est permis de prononcer l’annulation d’un congrès, mesure qui relève de manière évidente d’un débat fondamental dans la vie d’un parti politique.

Il a pris une mesure si grave sur des arguments contestables, y compris soutenus verbalement par la partie adverse, en refusant un débat contradictoire qui l’aurait utilement éclairé sur le fait, qu’il appartenait aux parties d’aller en débattre en toute clarté devant la juridiction compétente qui en a l’habilitation.

C’est une grande première dans les annales judiciaires, qui n’a pas de précédent et qui ne fera pas jurisprudence.

Mais il y a pire. Notre pays doit comprendre que par les autoroutes de l’information, le Gabon observe le monde, et en retour, le monde observe le Gabon.

Lorsqu’en croyant détruire Moukagni-Iwangou, parce que tout le monde a vite compris que c’est l’objectif recherché, un juge des référés fausse délibérément les règles primaires d’une procédure de pratique commune à tous les pays de tradition juridique romano germanique, il lance le plus mauvais message à la communauté internationale, en démontrant certainement sans le savoir, que le Gabon est le champ clos de l’insécurité judiciaire. Et ce message est le plus cinglant démenti de l’attractivité de l’environnement des affaires d’un pays.

Voilà comment, un Etat qui n’a pas de perspective réelle et des hommes rompus à la tâche, se disqualifie de lui-même devant les grands enjeux du monde.

Le Temps: Dans le cas où votre appel ne prospère pas, qu’entendez-vous faire ?

Je ne pense pas que les vacheries puissent faire boomerang. En tout cas, au-dessus de la Cour d’appel il y a la Cour de cassation, et je ne doute pas que sur la chaine, il se trouvera un juge lucide pour arrêter ce cirque.

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